Esclavage en Roumanie

L'esclavage en Roumanie (en roumain : sclavie) existe sur le territoire de l'actuelle Roumanie depuis l'Antiquité.

Au Moyen Âge, au XIVe siècle, apparaissent en Europe orientale deux formes de servitude.

Famille rom nomade en Moldavie, Auguste Raffet, 1837

D'une part, dans l'esclavage proprement dit (sclavie ou δουλεία - dzoulía dans les documents phanariotes en grec), l'esclave est comme un animal domestique dépourvu de tout droit : ce statut était issu de la traite orientale pratiquée au moyen de raids par les Mongols, les Nogaïs et les Tatars, notamment ceux du Khanat de Crimée, dans l'Europe du Sud-Est, au détriment des populations paysannes et des Roms non-musulmans, pour les revendre aux Ottomans[1],[2].

D'autre part, dans la robie appelée εργατεία ou υποτέλεια (ergatie, hypotélie dans les documents phanariotes en grec), le rob (εργάτος - argat, ou xоло́п - kholop en slavon) peut vendre et racheter sa propre liberté, avoir des possessions, se marier et vendre sa force de travail ou ses productions moyennant le payement d'une taxe (dajdie) au détenteur des droits de robie dont il dépendait : c'est une servitude personnelle de type féodal[3], statut de la majeure partie des Roms de Russie, Pologne, Lituanie (dont l'actuelle Ukraine), Hongrie, Transylvanie, Moldavie, Valachie, Bulgarie et Serbie. Venus d'Asie centrale par la steppe eurasienne, beaucoup de ces Roms demandèrent protection aux boyards et aux monastères de ces pays, sous l'égide desquels ils exercèrent leurs métiers traditionnels y compris après la conquête ottomane[4],[5].

Le mot robie ressemble à la fois à l'endonyme Roms (« gens, êtres humains ») et au mot slave robota (« travail »)[6]. Au XVe siècle, la plupart des groupes de Roms se trouvaient dans le statut de robie[7]. Le mot robie est souvent traduit en français et en roumain moderne par « esclavage », mais contrairement à l'esclave, un rob n'appartenait pas à un particulier mais à un voïvode, un boyard ou un monastère, et il pouvait racheter lui-même sa liberté, et la revendre ailleurs : c'est pour cela que traditionnellement les Roms portent leur or sur eux, bien visible, sous forme de colliers, bijoux ou dents, afin de montrer leur solvabilité et leur capacité à se racheter. Il est la marque de leur dignité. Beaucoup de Roms sont alors orpailleurs, domestiques et ouvriers agricoles.

La robie et l'esclavage, confondus dans beaucoup de sources secondaires, sont graduellement abolis les années 1840 et 1850. En 1746 le hospodar Constantin Mavrocordato les abolit en Valachie. En Transylvanie et en Bucovine, qui faisaient alors partie de la monarchie des Habsbourg, l'abolition fut promulguée par ces derniers en 1783. Le hospodar moldave Ioan Sturdza prononce l'abolition en Moldavie en 1823[8].

L'abolition de la robie et de l'esclavage a été obtenue au terme d'une campagne menée par de jeunes révolutionnaires influencés par les idées des Lumières comme Mihail Kogălniceanu qui a rédigé la législation relative à l'abolition en Moldavie. En 1856, dans l'ensemble de ce qui est actuellement la Roumanie, y compris dans les territoires ottomans (Dobroudja), les robs et esclaves de toute catégorie étaient affranchis.

Après l'abolition, il y a eu des tentatives (à la fois de l'État et de personnes privées) pour sédentariser les nomades et pour intégrer les Roms dans la société roumaine en voie d'urbanisation.

  1. Bernard Lewis, Race and slavery in the Middle East : an historical enquiry, Oxford University Press, New York 1990, (ISBN 9780195053265).
  2. Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, 2002, 3e éd. (ISBN 978-2-253-90593-6 et 2-253-90593-3), p. 108
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  5. Le film Latcho Drom de Tony Gatlif évoque l'évolution géographique des groupes de roms au cours du temps.
  6. Stéphane Zweguintzow, « Les Roms dans la C.E.I. », Échos de Russie n° 24, jan.-février 1995, p. 16, (ISSN 1250-8659).
  7. La présence des Roms sur l'actuel territoire de la Roumanie a été mentionnée pour la première fois dans un document datant du 3 octobre 1385, par lequel Dan Ier, prince de Valachie, donnait au monastère de Tismana les droits de robie de 40 familles de roms ; en 1428, le voïvode moldave Alexandre le Bon transfère les droits de robie de 31 familles roms au monastère Bistrița en Moldavie.
  8. Jean-Pierre Liégeois (fondateur du Centre de Recherches Tsiganes de l'université Paris 5), Tsiganes, Éditions Maspero/La Découverte, 1983 et 'Roms et Tsiganes, Édition La découverte, coll. Repères.

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